Pouvons-nous resocialiser le deuil ?

17 juillet 2024 | Général

Hier, je suis allée au cimetière. J’y ai passé une bonne heure à visiter l'épitaphe d’un être cher et à regarder silencieusement les autres. Pendant un long moment je n’ai pas rencontré une seule personne dans cette promenade. J’y ai pleuré seule. J’aurais pu crier personne n'aurait su. Je me suis grandement interrogée. Notre problème avec la mort est-il au point de déserter nos cimetières, ces magnifiques lieux, remplis d’histoire, de mort mais aussi de vécus ? J’ai eu le goût d’attendre qu’une personne se pointe. Pendant ce temps, je m'imprégnais des dates, des noms, des images… Une dame au loin. Je me suis approchée. Elle pleurait le dos courbé. Lorsqu’elle m’a vue, elle s’est excusée en cachant son mouchoir.

Le constat est clair : nous avons perdu nos repères lorsqu’il est question de la mort. Nous avons perdu nos connaissances, nous avons perdu notre façon d’en parler et nous avons aussi perdu la signification de nos lieux. Notre désir de la vie absolue est fort et semble si puissant qu’il nous éloigne de la richesse de nos cimetières. Et en plus, lorsqu’on s’y pointe pour prendre un moment de recueillement pour la personne qui nous est chère et qui est malheureusement sous nos pieds, on se cache pour pleurer.

On veut des cérémonies de vie maintenant, pas des funérailles. On veut que les gens sourient. Mais le deuil, ne l’oublions pas, est né d’un mot latin qui signifie douleur. Ça peut faire mal longtemps, très longtemps s’adapter à la mort de l’autre. Festoyer à la mort d’un proche et sortir les anecdotes drôles pour étouffer le chagrin ne facilitera en rien le deuil s’il n’y a plus, par la suite, de lieu pour exprimer ses émotions. Le deuil est malheureusement devenu une affaire personnelle alors qu’avant c’était une affaire de communauté. On s’offrait de la soupe, on s’entraidait et… on allait au cimetière. On socialisait notre deuil. On avait des oreilles pour écouter et recevoir notre tristesse. Des yeux pour nous voir pleurer. Des paroles qui tentaient d’être réconfortantes.

Juillet… c’est l’été. Il n’y a plus de chemins enneigés dans nos cimetières. C’est le temps, de sortir se recueillir, se rappeler, prendre un rendez-vous avec ce qui se passe en nous et se laisser s’exprimer. Allons visiter les lieux qui regorgent d’histoires de nos ancêtres ou les versions plus modernes où nous pouvons voir grandir un arbre sous les cendres des êtres chers. Regardons les autres, saluons-les, reconnaissons qu’ils sont comme nous : ils ont vécu la mort d’un être cher eux-aussi. Osons, demandons : “quel est son prénom ?” Tendons un mouchoir à celui qui essuie ses larmes sur son t-shirt. Resocialisons le deuil dans cet espace créé pour ça !


Mme Josée Masson, ambassadrice Corporation des thanatologues du Québec

Photo : Shuttterstock.com

Partager cet article:

Derniers articles de blogue