Parler de ma fille restera toujours pour moi un p'tit bonheur même si l'histoire, elle, est triste. Parmi ces personnes, quelqu'un m'a demandé, entre autres, d'écrire sur ce que l'on doit dire à un parent qui vient de perdre son enfant. Et là, dans ma tête, toutes ces phrases ignobles que j'ai entendues sont apparues. D'un côté, il y a les choses à dire, et de l'autre, celles à NE JAMAIS dire, au GRAND JAMAIS.
Ne me dis pas qu'elle est mieux là et qu'elle a fini de souffrir. Entre toi pis moi, je sais qu'elle serait mieux ici, en santé, sans souffrance, entourée de sa famille.
Ne me dis pas non plus que Dieu éprouve ceux qui sont capables de passer au travers de ces épreuves (eh oui! J'ai entendu ça POUR VRAI) parce qu'on s'entend-tu pour dire qu'en ce moment, je ne considère pas Dieu comme mon pote et que je pense sincèrement que le petit Jésus, bien il m'en doit une, pis une bonne à part de ça.
Ne me dis pas non plus que toi tu ne serais pas capable, même si je sais que tu me dis ça pour me faire part de tout le courage que j'ai. T'sais, ce n'est pas comme si j'avais eu ben, ben le choix. Je fais face à tout ça du mieux que je peux et si c'était toi qui avais à vivre ça, tu te découvrirais une force dont tu ne soupçonnais alors pas l'existence. Tu n'aurais pas le choix toi non plus.
Ne me dis pas que tu penses me faire de la peine ou me faire penser à elle en m'en parlant. Je n'ai besoin de personne pour me rappeler ma douleur, elle est là constamment, même si avec le temps, elle diminue. Et je pense à ma fille CHAQUE JOUR, que les gens m'en parlent ou pas. Ne dis pas à tes enfants, en cachette, pas du tout discrète, de ne pas prononcer son nom. Si tu fais comme si cette épreuve n'existait pas, pour moi c'est comme de mettre un X sur la petite existence beaucoup trop courte de ma fille. Puis ÇA, c'est douloureux.
Aussi, ne m'ignore pas, toi que je connais, ne change pas de trottoir quand tu me vois arriver, ne baisse pas les yeux quand tu me croises. Je ne mords pas, promis, je suis simplement triste.
Et toi que je ne connais pas, ne chuchote pas à ton ami, quand tu es assis à la table juste à côté de moi, que je suis celle qui vient de perdre un enfant....J'entends encore t'sais. Pis ça, ça ne fait VRAIMENT pas de bien.
Au lieu de tout ça...
Dis-moi que tu ne comprends pas ce que je vis, mais que tu penses à moi.
Dis-moi que tu vas venir me faire un souper (et fais-le pour vrai), car je n'ai pas l'énergie pour ça.
Dis-moi que tu ne sais pas quoi me dire, car tu sais que ma douleur est horrible. Demande-moi ce que tu peux faire pour moi, je vais te le dire.
Invite-moi à sortir.
Écoute-moi quand j'en ai besoin et tends moi ben des mouchoirs.
Et si tu me demandes comment ça va, bien c'est fort possible que j'éclate en sanglots pis que je braille ma vie live devant toi, en plein milieu de l'allée des pâtes à l'épicerie. Si tu n'es pas prêt à ça ben, souris-moi amicalement, je vais comprendre. Transmets-moi un regard rempli d'empathie, ça va me faire du bien. Viens me serrer dans tes bras sans rien dire, tu vas mettre un baume sur ma plaie.
Mais surtout, demande-toi comment toi tu réagirais si la phrase que tu t'apprêtes à me dire t'étais dite dans des circonstances semblables, pis si tu trouves que ça pas d'allure, ben change la recette.
Voilà ce que j'aurais aimé dire aux gens il y a de ça presque 9 ans, quand Lydia nous a quittés. Mais là je parle pour moi. Probablement que d'autres parents endeuillés le vivent différemment. S'il y avait une recette magique, je la transmettrais à tout le monde, mais malheureusement, il n'y en a pas.
Dernière chose : sois indulgent envers moi, tu ne me comprends pas vraiment, à moins que tu l'aies vécu toi aussi. Puis ça adonne que je ne me comprends pas moi-même.
Auteure Barbara Bouchard, TPL Moms
Crédit photo Motoki Tonn/Unsplasch